HUNGER GAMES, SERIE ISSUE DE L'ANTIQUITE ?
Hunger Games est une franchise américaine de quatre films, adaptée au cinéma d’après les romans de Suzanne Collins entre 2012 et 2015 : Hunger Games (2012), L’Embrasement (2013), La Révolte, partie 1 (2014) et La Révolte, partie 2 ( 2015).
Cette série bien connue de tous cache bien des choses. En tant que professeur d'histoire, elle a attiré mon attention et m'a donné envie de faire un travail de recherche sur les liens entre la saga, l'Antiquité et les personnages historiques importants. Ci-dessous vous trouverez un article détaillé sur ces liens provenant de la source suivante : https://antiquipop.hypotheses.org Cet article a été écrit par Fabien Bièvre-Perrin.
Je joins également en bas de page un document pdf regroupant une série d'articles détaillant le sujet. Bonne lecture à tous.
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Les références à l’Antiquité gréco-romaine hantent l’ensemble des films, du point du vue du scénario comme de celui de l’image. J’analyserai ici principalement le volume 1, réalisé par Gary Ross dont voici le résumé extrait du site officiel :
Chaque année, dans les ruines de ce qui était autrefois l’Amérique du Nord, le Capitole, l’impitoyable capitale de la nation de Panem, oblige chacun de ses douze districts à envoyer un garçon et une fille – les « tributs » – concourir aux Hunger Games. À la fois sanction envers la population pour avoir tenté de se rebeller et stratégie d’intimidation de la part du gouvernement, les Hunger Games sont un événement télévisé national au cours duquel les tributs doivent s’affronter jusqu’à la mort. L’unique survivant est déclaré vainqueur.
La jeune Katniss, 16 ans, se porte volontaire pour prendre la place de sa petite soeur comme tribut. Elle se retrouve face à des adversaires surentraînés qui se sont préparés toute leur vie aux jeux. Elle a pour seuls atouts son instinct et un mentor, Haymitch Abernathy, qui gagna les Hunger Games il y a des années mais n’est plus désormais qu’une épave alcoolique. Pour espérer pouvoir revenir un jour chez elle au District 12, Katniss va devoir, une fois dans l’arène, faire des choix impossibles entre la survie et son humanité, entre la vie et l’amour…
Chaque année, dans les ruines de ce qui était autrefois l’Amérique du Nord, le Capitole, l’impitoyable capitale de la nation de Panem, oblige chacun de ses douze districts à envoyer un garçon et une fille – les « tributs » – concourir aux Hunger Games. À la fois sanction envers la population pour avoir tenté de se rebeller et stratégie d’intimidation de la part du gouvernement, les Hunger Games sont un événement télévisé national au cours duquel les tributs doivent s’affronter jusqu’à la mort. L’unique survivant est déclaré vainqueur.
La jeune Katniss, 16 ans, se porte volontaire pour prendre la place de sa petite soeur comme tribut. Elle se retrouve face à des adversaires surentraînés qui se sont préparés toute leur vie aux jeux. Elle a pour seuls atouts son instinct et un mentor, Haymitch Abernathy, qui gagna les Hunger Games il y a des années mais n’est plus désormais qu’une épave alcoolique. Pour espérer pouvoir revenir un jour chez elle au District 12, Katniss va devoir, une fois dans l’arène, faire des choix impossibles entre la survie et son humanité, entre la vie et l’amour…
Des références évidentes...
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Pour tout spectateur avisé, la référence à l’Antiquité dans le volume 1 de la franchise Hunger Games est flagrante : le scénario évoque aussi bien la vie du gladiateur Spartacus que les exploits de Thésée dans le labyrinthe. La référence est encore plus clairement assumée dans les noms propres choisis par l’auteur : du nom du pays, Panem, et de son centre gouvernemental, le Capitole, aux noms de ses habitants, Cena, Caton, César, Sénèque, Claude… De plus, les réalisateurs ont choisi comme cadre un univers néo-antique qui évoque aussi bien la Rome impériale que l’architecture fasciste de Mussolini.
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Référence historique 1 : du pain et des jeux
Panem, l’Amérique post-apocalytique décrite dans le film, est une Rome post-moderne gouvernée par le Capitole, dont le nom est inspiré de celui de la colline où siégeait le pouvoir à Rome. Si dans le film la référence onomastique de « Panem » est implicite, elle est explicitée dans le livre : le nom a été choisi en référence à une ancienne civilisation dont la devise était « Panem et circenses » : du pain et des jeux… soit la Rome du Colisée !
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Il est de plus clairement ici fait référence aux jeux de gladiateurs offerts par le pouvoir romain aux masses pour les divertir. La capitale de Panem, c’est la Rome décadente, ses orgies, ses fastes, ses dangers (en particulier le poison) : le « Capitole ».
Katniss (Jennifer Lawrence), Peeta et leurs ennemis sont les gladiateurs de Panem, sacrifiés pour le divertissement des habitants de la capitale. Suite à un entrainement dans un véritable ludus, et après avoir séduit le public et les sponsors (tout comme les combattants de l’arène devaient s’assurer une réputation pour espérer survivre), les jeunes combattants sont lâchés dans une véritable arène dans laquelle une nature artificielle et dangereuse est recréée : le spectacle est en tous points analogue à de grands jeux au Colisée. La violence semble être aussi importante à Panem que dans le Colisée. |
Référence historique 2 : donne moi ton nom
Au-delà d’un postulat de départ, l’histoire romaine est un véritable fil conducteur pour le spectateur. Sa connaissance de l’histoire peut lui apporter des indices sur l’issue du scénario. Le cas le plus évident est celui de Seneca Crane. L’organisateur des Hunger Games est forcé, après son erreur stratégique majeure, à se suicider en s’empoisonnant, tout comme le véritable Sénèque dut mettre fin à ses jours à la demande de Néron. Contemporain de Sénèque, Cinna trouve son alter égo dans le styliste de Katniss : comme le personnage historique qui joua un rôle dans l’assassinat de César, Cinna complote contre le pouvoir en place.
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Coriolanus Snow, le président, fait écho à Caius Marcius Coriolanus, un des acteurs de la jeune république romaine qui voulut prendre le pouvoir à plusieurs reprises par la manipulation et retirer au peuple ses droits durement acquis. Il instrumentalise d’ailleurs dans une de ses tentatives les jeux des gladiateurs. Tout au long des quatre films de la franchise, on croise d’autres noms comme Caton, Flavia ou Caesar.
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Enfin, dans le cadre plus vaste de la trilogie Hunger Games, les parallèles sont nombreux avec l’histoire du célèbre gladiateur Spartacus qui mena la révolte des esclaves contre Rome. Katniss est la passionaria malgré elle de ce mouvement qui saisit peu à peu toutes les provinces, et se retrouve progressivement à la tête d’une armée en révolte. La référence aux gladiateurs est en quelque sorte aussi mixée à la mythologie grecque, et notamment au mythe du minotaure : chaque année les Grecs devaient envoyer au monstre enfermé dans son labyrinthe sept jeunes filles et sept jeunes hommes en sacrifice pour maintenir la paix. Dans le film, ces enfants tirés au sort sont désignés comme le « tribut » des districts, de même que l’impôt réclamé par Rome ou Athènes aux cités conquises. La vie du minotaure, et donc ce rituel, prennent fin quand Thésée se désigne pour aller combattre le monstre et le vainc ; de même, Katniss se porte volontaire pour participer aux jeux de Panem et en cause la fin. Le minotaure est remplacé par les trois chiens monstrueux de la fin de l’épisode un.
Les réalisateurs ont ainsi délibérément décidé de créer une architecture néo-classique qui évoque finalement plus la période fasciste que l’Antiquité romaine. On constate ainsi l’utilisation d’une architecture antiquisante épurée évoquant les bâtiments de l’aire mussolinienne, qui voulaient eu-mêmes être la recréation de l’architecture monumentale romaine. Par ce choix, les décorateurs du film ont modernisé le cadre et introduit un parallèle intéressant entre le gouvernement de Panem et les gouvernements fascistes du XXème siècle. On retrouve d’ailleurs le même recyclage de l’aigle impérial romain, très plébiscité par les nazis et Mussolini, et le culte de la personnalité, qui semble avoir à Panem remplacé toute religion.
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Autre élément du décor issu de l’Antiquité : la corne d’abondance, qui se trouve au centre des arènes des différents Hunger Games, joue son rôle de source permanente de richesses et de bonté en permettant aux participants des jeux de s’armer et de s’équiper.
Dans ces décors monumentaux évoluent de nombreux personnages qui évoquent l’histoire ou la mythologie gréco-romaine. Il est ainsi évident que les combattants de Panem sont les descendants des gladiateurs romains : vêtus tels des dieux antiques, ils défilent devant la foule sur des chars, sous une pluie de cris et de fleurs. Dans une moindre mesure, les Peacekeepers, les soldats de l’armée étatique, évoquent les légionnaires romains : habillés de façon uniforme, ils combattent de front tels des hoplites et obéissent à une hiérarchie très structurée (tout comme les stormtroopers de Star Wars). Dans le livre on retrouve même l’idée qu’ils ne peuvent pas se marier avant 20 ans.
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De nombreux personnages évoquent les mythes grecs dans lesquels les transformations et les métamorphoses jouent un rôle capital. Katniss se voit pousser des ailes et des flammes tel un phœnix, Effie se transforme de scène en scène, parfois en animal, les combattants se camouflent et se sauvent par leurs métamorphoses… Dans les films suivants, on trouve encore des chauves-souris attirant les gladiateurs dans leur piège, telles des sirènes, en imitant la voix de leurs proches, on explore une arène spéciale divisée en douze travaux, on assiste à une apothéose de Katniss semblable à celle de Sémélé, qui après avoir été foudroyée est exfiltrée de l’arène par le ciel…
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Si ses tenues ne sont pas explicitement antiques, la représentationde l’héroïne, Katniss, fait aussi écho à l’Antiquité : elle incarne une Diane moderne, une femme innocente qui fait tourner le cœur des hommes, mais dangereuse, armée de son arc. Le combat final du premier film évoque d’ailleurs le mythe d’Actéon, que la déesse fait dévorer par ses propres chiens. Au cours du film, Katniss passe par tous les statuts : fille, sœur, mère (elle remplace également le patriarche), femme, tout en restant aussi pure qu’une déesse vierge.
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Que dire de la scène finale du premier film, parfaite évocation de la tragédie grecque : acculés, les héros, pseudo-amoureux, sont condamnés par leur propre choix au suicide. Le suicide de Seneca et la scène des funérailles de Rue entrent également en écho avec le tragique à l’antique… Il est intéressant de noter, de façon plus générale, l’importance de la notion de destin : celui-ci est contrôlé par des êtres supérieurs que souhaitent être les dirigeants du Capitole, d’ailleurs figurés tels les dieux de l’Olympe dans les péplums, observant la vie des hommes depuis le ciel et leur imposant des épreuves à leur guise, les aidant à l’occasion. Au cours des différents épisodes, les épreuves se suivent et comme lorsque les mythes antiques sont repris au Moyen-âge ou lors de la Renaissance, deviennent des métaphores : chaque monstre ou ennemi abattu est un vice dépassé par les héros.
Conclusion
Certes, les parallèles avec l’histoire américaine, ses treize colonies, comme les districts de Panem, son passé esclavagiste, son impérialisme… sont omniprésents. Mais on l’a vu, beaucoup de parallèles sont établis avec la Rome Antique à des niveaux divers : scénario, onomastique, codes visuels… Comme souvent dans le péplum américain classique, l’histoire de Rome sert de parabole à l’histoire américaine, il peut paraitre logique que des éléments passent d’un univers à l’autre dans le cinéma contemporain.
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Mais finalement Hunger Games, c’est surtout une illustration relativement fidèle des propos d’Aristote. Pour le philosophe grec, dans son texte La poétique, la tragédie doit reposer sur trois actes. Le récit doit comporter des péripéties qui mènent à une situation malheureuse : celle-ci doit provoquer chez les spectateurs deux sentiments, la pitié et la terreur. Or on peut identifier facilement trois phases dans le film : le recrutement, l’entrainement, le combat, au cours desquelles, après que le destin a frappé Katniss, les sentiments se succèdent, jusqu’à la scène du combat final où la tension est à son maximum avant le dénouement.
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Aristote précisait aussi l’importance de ne pas utiliser le Deus Ex Machina dans une fiction au risque de la ruiner : si le metteur en scène intervient dans le scénario, comme Seneca Crane le fait à deux reprises dans le film en modifiant les règles des Hunger Games (ou comme les dieux de l’Olympe le font dans de nombreux péplums, comme Jason et les Argonautes), il n’y a plus de clôture du spectacle sur lui-même. Or, dans la tragédie, les règles doivent venir de l’intérieur, se construire d’elles-mêmes. La machine informatique utilisée pour générer l’arène est une matérialisation du concept de deus ex machina même. Le fameux quatrième mur est de plus brisé à de nombreuses reprises dans les films, notamment quand les héros regardent les caméras qui les filment dans l’arène et cherchent à provoquer la compassion des spectateurs.
La fiction « interne » au film, le jeu truqué, est donc un fiasco, et les scénaristes jouent sur la fiction dans la fiction pour provoquer des retournements de situation et conduire l’ensemble du scénario : c’est en s’affranchissant du système fermé, en brisant le fameux quatrième mur, que Katniss et ses acolytes font tomber le système. L’écran est une séparation entre les classes sociales, comme les frontières des districts étaient des séparations physiques : la destruction de l’un provoque la disparition de l’autre.
Scénaristique, visuelle, onomastique, et même philosophique, la référence à l’Antiquité gréco-romaine est omniprésente dans le film Hunger Games, de même que dans le reste de la tétralogie. Si les références se font moins évidentes au fil des films, on note en revanche l’apparition de la « ruine » comme décor, puis presque, dans le dernier, comme actrice. Les ruines d’une société aristocratique et antiquisante, sur lesquelles pourra se construire le futur de Panem.
Cet article fait suite à la projection du film « Hunger Games » organisée par Antiquipop en mars 2016, avec le soutien du FSDIE Lyon 2.
Source de l'article : https://antiquipop.hypotheses.org
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